CORSE : «DEVOLUTION»… POUR NE PAS DIRE «AUTONOMIE» !

Nous nous proposons, dans le cadre de la série «L’autonomie : points de repères pour nourrir la réflexion», de porter à la connaissance des lecteurs du blog Autonomia Eraiki les divers projets d’autonomie ou d’institutions spécifiques élaborés par des mouvements ou structures politiques oeuvrant, face à Paris, pour le recouvrement et le développement de leurs droits nationaux (certains d’entre-eux se limitent toutefois à des aspirations à caractère régional).

Nous commencerons ce nouveau volet d’éléments de réflexion par le projet politique élaboré par les indépendantistes corses regroupés dans la structure électorale Corsica Nazione et le mouvement politique Independenza (aujourd’hui Corsica Libera).

Il faut commencer par reconnaître que le document en question est très travaillé et sérieusement argumenté. Manifestement, il y a là derrière un grand travail de réflexion et une réelle connaissance des sujets abordés, même ceux les plus pointus. Donc, c’est bien un projet tout à fait crédible et à même d’emporter l’adhésion d’habitants de la Corse ne se reconnaissant pas à ce jour comme indépendantistes ou autonomistes.

Et ceci rend d’autant plus regrettable la teneur du texte introductif dans lequel les rédacteurs se livrent à des contorsions sémantico-dialectiques pour expliquer en quoi ce projet politique ne peut pas être qualifié de projet d’autonomie. Si l’on résume et schématise leur propos, l’autonomie est un concept trop flou, trop ambigu, et qui ne garantie pas une évolution vers la souveraineté ou vers plus d’exercice d’autogouvernement. Aussi, les rédacteurs du projet Corsica Nazione-Independenza préférent le définir comme une revendication de «dévolution», en faisant référence au cadre institutionnel qui régit aujourd’hui les autonomies écossaises et galloises.

Si l’on voulait verser dans un certain mauvais esprit, et en nous basant sur le sens en français du mot «dévolution» : «Attribution, transmission d’un bien, d’un droit, d’une personne à une autre», on a véritablement du mal à comprendre en quoi ce concept est plus en phase que celui d’autonomie avec une aspiration émancipatrice… Une dévolution n’est-elle pas la démarche de quelqu’un qui consent à laisser à un autre des droits, des prérogatives ou des pouvoirs ? En préconisant ce schéma, ne reconnaît-on pas implicitement que ces droits, prérogatives ou pouvoirs étaient naturellement ceux de l’entité qui accepte de nous les attribuer ?

Le préambule de ce projet politique poursuit dans le même registre du sophisme en considérant, qu’à priori – de par des expériences conduites ailleurs –, une autonomie n’est que peu succeptible d’évolution. C’est penser que tout est toujours figé sur un modéle unique, que tout relève du même moule, que l’autonomie est donc l’acceptation de rester dans une relation tutélaire. Il n’en est bien évidemment pas ainsi, car l’autonomie peut parfaitement être un cadre institutionnel évolutif et doit même être conçu comme tel. En outre, pour ce qui est des vertus que Corsica Nazione-Independenza semble attribuer à la dévolution, il est franchement difficile de percevoir en quoi et sur quel principe, ce modèle aurait un caractère plus évolutif que l’autonomie…

De fait, il semblerait tout simplement que les indépendantistes corses aient quelque mal à admettre que l’autonomie portée depuis des décennies par d’autres forces politiques est une voie qui pourra permettre à la Corse d’avoir les moyens de prendre ses affaires en main. Car c’est là qu’est la vrai question, pas dans les faux-fuyants relevant de compétitions politiques stériles.

ALLANDE SOCARROS

N.B: Certaines opinions ou analyses émises dans ce texte introductif étant succeptibles de gêner aux entournures des membres de ‘Autonomia Eraiki’, j’ai choisi de signer le préambule en question. Je le ferai dorénavant pour tout article d’introduction de la série « L’autonomie : points de repères pour nourrir la réflexion ».

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