LA POLYNESIE

flag_of_french_polynesiaLa Polynésie – que les abertzale s’abstiendront de qualifier de « française » – est le seul territoire sous tutelle de la France à bénéficier d’un statut d’autonomie interne. Si les compétences dont dispose cet archipel, situé dans le sud de l’Océan Pacifique, dépassent de très loin celles, réunies, d’un Conseil régional et d’un Conseil général parmi les mieux dotés, elles font bien pâle figure comparé aux pouvoirs d’un Land allemand, d’un Canton suisse ou même d’une Communauté Autonome Basque. Nous l’avions bien compris avec les éclairages que nous avaient donné, lors du Forum sur l’Autonomie, en octobre 2008, nos amis polynésiens Keitapu et Thierry. Keitapu, alors Ministre de la mer, nous avait expliqué qu’en fait les compétences du territoire autonome se limitaient à une frange littorale… Paris ayant gardé la haute main sur la majeure part des eaux entourant l’archipel et donc des ressources halieutiques ou autres. On mesure, de la sorte, combien la conception française de l’autonomie est des plus étriquée et ne se départit pas d’une culture de la tutelle jacobine.

En outre, Paris prend un malin plaisir, non dénué d’arrière-pensées politiques, à entretenir l’instabilité institutionnelle, par la mise en oeuvre de pseudo-réformes. Il ne fait pas de doute que la « République Une et Indivisible » a du mal à admettre que les indépendantistes polynésiens soient devenus une force politique majeure et en constante progression. Dans ces manœuvres dilatoires, Paris a pu compter sur les retournements d’alliance, au gré de leurs intérêts, de certains autonomistes. Une situation qui devrait nous amener à réféchir sur l’intégrité de la voie autonomiste et les garde-fous à mettre en place pour que les droits d’un peuple ne soient pas dévoyés par le jeu politique à courte vue.

La Polynésie : une autonomie dans la République française

L’archipel est doté d’un statut qui renforce son autonomie après les différents réformes adoptées depuis 1984.

polynesia-triangle

1843 1885 : du protectorat à l’annexion

Pendant près d’un siècle, des colons européens, notamment français et anglais, se sont lancés dans la conquête des îles du Pacifique. Ainsi, l’impérialisme des Anglais progresse dans les archipels des Fidji et des Tonga et les missionnaires protestants affirment leur autorité à Tahiti. Devant cette situation, la France s’inquiète et doit affermir sa présence dans la région rapidement. Aussi, en 1843, le roi Louis Philippe conclut un traité avec la reine Pomare IV, plaçant alors Tahiti sous Protectorat français.

Lorsque la reine Pomare IV décède en 1877, c’est son fils Pomare V qui lui succède. Trois ans plus tard, le 29 juin 1880, il cède Tahiti et ses dépendances aux autorités françaises, moyennant, entre autres, la reconnaissance protocolaire de son rang. Ainsi, les îles de la Société, des Australes, des Gambier, des Marquises et des Tuamotu deviennent des Etablissements français de l’Océanie et sont placés sous l’administration d’un gouverneur à compter du 28 décembre 1885.

1946 : Territoire d’Outre-mer à «organisation particulière»

La centralisation des pouvoirs par le gouvernement de la France perdure jusqu’au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Une guerre à laquelle les Polynésiens ont pris part, bien que situés aux antipodes des champs de batailles. Si les deux guerres mondiales ont été traumatisantes et ont provoquées des centaines de morts dans le camp polynésien, elle a fait évoluer les mentalités des îliens, affirmant davantage leur volonté d’autonomie face à l’administration coloniale française.

C’est à la suite de la conférence de Brazzaville en 1946, que la Polynésie française, ainsi que les colonies de Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna obtiennent le statut de Territoire d’Outre-mer (TOM) et disposent d’une « organisation particulière ».

Cette évolution débouche, dès lors, sur une décentralisation qui permet aux Polynésiens de gérer les affaires publiques qui les concernent. L’Assemblée représentative territoriale, chargée des intérêts du Territoire, peut adopter des délibérations, dont la préparation et l’exécution incombent toujours au gouverneur, nommé par l’Etat. Cependant, le système est peu satisfaisant pour les Polynésiens qui souhaitent maîtriser davantage les prises de décisions concernant leurs affaires.

1957 : De nouvelles compétences… reprises fin 1958 !

Il faut attendre le mois de juillet 1957 pour que le Territoire obtienne de nouvelles compétences dans des domaines tels que le commerce, le transport et l’enseignement. Un Conseil de gouvernement est également créé. Il est composé de six à huit ministres, dont un Vice-Président élu par l’Assemblée territoriale, et il est présidé par le gouverneur. Cependant, cette organisation est de courte durée, car vers la fin de l’année 1958, l’Etat décide de reprendre tout en main. Le Conseil des ministres ainsi que la fonction de Vice-président de la Polynésie disparaissent et leurs pouvoirs sont abrogés. Pour autant, l’Assemblée territoriale conserve ses attributions. Le statut redevient centralisateur et durera pratiquement vingt ans.

1984 : Statut d’autonomie interne

Cette situation évolue encore jusqu’en 1984, lorsqu’un véritable statut d’autonomie est instauré, renforçant les pouvoirs que les dirigeants locaux exercent dans les domaines sociaux, économiques et fiscaux. A travers le texte, la France reconnaît l’identité et la personnalité de la Polynésie française et introduit des signes comme le drapeau et l’hymne polynésien près des emblèmes de la République.

Des institutions locales

Les institutions locales sont constituées du gouvernement du territoire, de l’Assemblée territoriale et du comité économique, social et culturel. Le président du gouvernement est désormais élu par l’Assemblée territoriale de la Polynésie, parmi ses membres. Il devient le chef de l’Exécutif à la place du gouverneur et de nouvelles compétences sont attribuées au président du gouvernement dans les domaines des relations internationales. Il peut également demander à l’Etat de dissoudre l’Assemblée territoriale, qui peut, elle, voter une motion de censure contre la politique du gouvernement.

De nouvelles compétences sont également confiées au Territoire, tels que l’Enseignement secondaire, les Postes et Télécommunications et la liberté surveillée des mineurs. La légalité des actes des autorités territoriales est confiée au juge administratif.

Le Gouverneur est toujours nommé par l’Etat, mais prend dorénavant la dénomination de ‘Haut-commissaire de la République’. Malgré cette réforme statutaire, le contrôle de l’Etat français limite toujours l’autonomie de la Polynésie, notamment dans l’expression du pouvoir décisionnel de l’Assemblée, dont les délibérations législatives ne sont que des décisions administratives.

1996 : Transfert de compétences supplémentaires

En avril 1996, des compétences supplémentaires sont transférées à la Polynésie Française, tels que le pouvoir de décisions d’ordre économique ainsi que les aménagements techniques pour un meilleur fonctionnement des institutions.

En 1998, la Polynésie française demande une nouvelle réforme afin de suivre l’exemple de la Nouvelle-Calédonie et devenir un «Pays d’Outre-mer». Les modifications induiraient une réforme de la Constitution et permettraient à l’Assemblée de la Polynésie d’adopter des « lois pays ». Ces « lois » ne seraient plus soumises aux lois nationales, sinon à la Constitution. La notion de « libre gouvernement » serait également induite contre celle qui prévaut de « libre administration de la collectivité territoriale ».

En outre, la révision de la Constitution ouvrira encore le champ des compétences qui permettraient notamment de négocier et conclure avec d’autres Etats des conventions internationales relevant de la compétence du Pays, de faire partie d’organisation internationales et d’ouvrir des représentations dans les pays étrangers.

Par ailleurs, en complément de la nationalité française, le nouveau statut confèrerait une nationalité polynésienne à ses ressortissants et aux résidents, selon des critères prédéterminés.

La France conserverait ses compétences « régaliennes » en matière de défense, justice, monnaie ainsi que de responsabilité internationale globale.

2004 : «Pays d’Outre-mer au sein de la République»

Depuis le 27 février 2004, la Polynésie française est dotée d’un nouveau statut qui renforce son autonomie interne et devient un « Pays d’Outre-mer au sein de la République ». Elle se gouverne librement par ses représentants élus et par la voie du référendum local. Si elle peut disposer de représentations auprès de tout État reconnu par la République française, ces représentations ne sont pas diplomatiques. Le Haut-commissaire de la République demeure le représentant de l’État en Polynésie.

Un président de la Polynésie française

Le président du gouvernement de la Polynésie devient désormais le président de la Polynésie française. Il est élu par l’Assemblée de la Polynésie. Il représente la collectivité d’outre-mer, dirige l’action du gouvernement et l’administration. En cas de besoin, c’est le vice-président qui assure son intérim.

Un nouveau mode de scrutin et une prime majoritaire

Le nouveau mode de scrutin est un scrutin proportionnel de liste à un tour. La liste ayant recueilli la majorité des voix obtient une prime de 33%, ce qui représente un tiers des sièges de l’Assemblée territoriale [voir NB]. Seules les listes ayant recueilli 3% des suffrages exprimés peuvent participer à la répartition des sièges.

57 représentants à l’Assemblée de Polynésie

L’Assemblée de la Polynésie est composée de 57 membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct. Parmi les fonctions qu’elle gère, l’Assemblée vote le budget et les comptes de la collectivité. Elle contrôle l’action du président et du gouvernement et règle les affaires de la Polynésie en adoptant des délibérations, ainsi que les « lois du pays », contrôlées par le Conseil d’État.

Mise en place d’un haut conseil

Le nouveau statut met également en place un haut conseil de la Polynésie, chargé notamment de conseiller le président de la Polynésie et son gouvernement pour la confection des « lois du pays » et des délibérations. Il prévoit des mesures préférentielles en matière d’emploi et de transferts de biens fonciers en faveur des personnes justifiant d’une durée de résidence suffisante sur le pays ou mariées à ces résidents de longue durée.

Les auteurs : Jean-Raymond BODIN et Mayma VONGUE ont exercé respectivement comme responsable de communication et chargée de communication au sein de RFO (Radio France Outre-mer) Polynésie. Site internet : http://polynesie.rfo.fr/

Ils sont aussi les auteurs d’articles très documentés sur l’art polynésien et sur les mythes et légendes de la Polynésie, par exemple celui que l’on trouve en activant le lien : http://polynesie.rfo.fr/article58.html

Ndlr : Le titre et les trois premiers intertitres ont été rédigés ou remodelés par nos soins. L’article, lui, n’a subi aucune modification.

NB : La modification du mode de scrutin introduite dans la loi organique de 2004, modification instaurant une prime majoritaire destinée à permettre la constitution, après chaque scrutin, d’une majorité stable à l’Assemblée de Polynésie Française, n’a pas rempli son objectif. Une motion de censure déposée le 14 décembre 2006 par l’opposition a été adoptée par l’Assemblée territoriale avec 29 voix contre 28. Gaston Tong Sang, avec le soutien d’une plate-forme autonomiste, a été élu Président de la Polynésie française le 21 décembre 2006, amenant la formation du 4e gouvernement depuis mai 2004. Cette évolution a conduit à l’abandon de la prime majoritaire, abandon entériné par l’article 8 de la Loi organique n°2007-223 du 21 février 2007.

Source : Institut d’Emission d’Outre-Mer http://www.ieom.fr/agence_polynesie_infos.asp

Pour connaitre le détail de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française : http://admi.net/jo/20040302/DOMX0300085L.html

Laissez un commentaire