FELIPE BIDART CONDAMNE A … SE TAIRE
Le Tribunal de l’Application des Peines de Paris spécialement chargé des affaires dites «terroristes» a rendu mercredi dernier 14 mai 2008 la décision suivante à l’encontre de Filipe Bidart :
– interdiction de paraître devant tout établissement pénitentiaire dont la liste est fixée par le Code de Procédure pénale pour manifes- ter tout soutien à des personnes détenues pour la commission d’ac- te de terrorisme ou en faveur de tout mouvement ou association poursuivie pour acte de terrorisme,
– s’abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audio-visuelle dont il serait l’auteur ou le co-auteur et qui traite de faits pour lesquels il a été condamné,
– s’abstenir de toute intervention publique ayant trait à ces infrac- tions.
Battitt Amestoy et Terexa Michelena ont déclaré au nom du comité «Filipe aska» :
Nous insistons tout d’abord sur l’aspect inquiétant de l’atteinte aux libertés fondamentales (liberté d’expression et liberté de manifes- tation) qui caractérise la décision prise par le Tribunal de l’Applica- tion des Peines de Paris le 14 mai dernier. Cette décision nous laisse présager des lendemains plutôt sombres et nous incite à redire à toute la population que, laisser passer de telles décisions sans lutter, c’est accepter toutes les dérives dont nous avons déjà un aperçu en ce moment ; c’est aspect là nous l’avions déjà développé devant vous lors de la conférence de presse précédant le procès.
Outre cet aspect, nous voudrions insister sur trois points qui sont à dénoncer :
1) Le fait que la demande de restriction des conditions d’aména- gement de la Peine fixées par la Cour d’Appel de Paris (décision du 1er février 2007) vienne du Juge de l’Application des Peines alors que, par définition, il nous semble chargé de faire « appliquer » les décisions de justice et d’être le garant de cette application. En l’occurrence, Filipe n’a en rien dérogé aux conditions qui lui avaient été fixées.
2) Le Juge de l’Application des Peines de Paris, Monsieur Lugan, qui avait convoqué Filipe le 21 février dernier dans le but de restreindre ses libertés fixées par la Cour d’Appel de Paris est le président du Tribunal qui délibère sur sa propre demande. Etre juge et parti donne toute garantie sur l’absence d’objectivité de la décision. Quand on sait, qu’en plus, ce même juge Lugan est celui qui avait refusé la libération conditionnelle à Filipe le 17 octobre 2006, on est suffisamment renseigné sur son objectivité.
3) L’interdiction faite à Filipe par cette nouvelle décision de parler, de participer à un écrit à un support audio ou vidéo qui se ferait l’écho de faits pour lesquels il a été condamné rentre bien dans le déni habituel par lequel l’Etat français veut prouver qu’aucune résistance politique n’existe sur son territoire ; que cet état est «un et indivisible» et qu’il n’est toléré aucun grain de sable dans les engrenages.
Pour le Pouvoir français, l’histoire contemporaine s’écrira donc en gommant toutes les résistances et toutes les luttes qui mettent en danger cette indivisibilité, indivisibilité pourtant bien précaire si on se réfère à l’histoire un peu plus ancienne.
Un exemple : ce n’est que plus de 40 ans après l’indépendance de l’Algérie que la France commence à considérer cette guerre avec un peu plus de recul et à en parler avec un peu plus de clarté. Dans cette logique, Filipe, est pour plusieurs années encore bâillonné, réduit au silence puisque le rappel des faits qui remettent en lumière la lutte menée par Iparretarrak est intolérable au Pouvoir français jacobin et centraliste jusqu’à l’extrême.
Filipe Aramendi avocat de Filipe Bidart faisait ensuite l’analyse du verdict du 14 mai :
Il ne s’agit pas d’une décision juridique mais d’une décision politique qui touche à des droits fondamentaux (droit de manifestation, droit d’expression). Il faut rappeler que les deux objectifs visés par la mesure de libération conditionnelle sont les suivants :
– réinsertion dans la société de la personne mise en liberté condi- tionnelle après plusieurs années de détention ;
– prévention de la récidive.
Toutes les mesures infligées à une personne dans le cadre de la libération conditionnelle doivent concourir à ces deux objectifs. La décision de mercredi dernier poursuit-elle ces objectifs ? Cette décision fait apparaître deux nouvelles données :
– Interdiction d’apparaître devant des prisons et de manifester son soutien aux détenus même si ces manifestations se déroulent dans le calme. Ceci est le cas de la manifestation à laquelle Filipe Bidart avait participé en décembre dernier devant la prison d’Agen : le procureur de la République l’avait reconnu dans son réquisitoire et le Tribunal le reconnaît également dans sa décision du 14 mai. Cette interdiction ne peut donc pas être liée aux objectifs cités ci-dessus.
– Interdiction de participer à tout ouvrage ou œuvre audio-visuelle …. Là encore, aucun lien avec les objectifs de réinsertion ou de prévention de la récidive. Nous sommes avec cette décision dans le plus pur domaine de l’arbitraire et de la décision politique.
Cette décision veut faire payer à Filipe Bidart sa volonté de conti- nuer à affirmer ses convictions et son soutien.
Cette décision veut également faire payer à Filipe Bidart les condi- tions dans lesquelles s’était effectuée sa sortie de prison. En effet certaines personnalités s’étaient émues qu’il ne sorte pas «par la porte de derrière la tête basse» et avaient publiquement manifesté leur désapprobation. Cette décision ferait également penser dans sa rédaction à un «règlement de comptes» entre juridictions puisque dans sa décision le Tribunal reprend une motivation de la Cour d’Appel qui avait en février 2007 libéré Filipe en décrivant celui-ci comme une «personne calme et respectueuse qui passe l’essentiel de son temps à la rédaction de son mémoire». Ceci est repris par le Tribunal de l’Application des Peines qui poursuit en ces termes «il n’est donc pas exclu que Monsieur Bidart soit tenté de publier ses mémoire».
Filipe Aramendi conclut en annonçant que Filipe Bidart fera évidem- ment appel de cette décision dans les prochains jours. Décision qui va à l’encontre des textes régissant en France la libération condi- tionnelle mais aussi des textes de la Convention européenne des Droits de l’Homme qui consacre les libertés fondamentales évo- quées ci-dessus et contre lesquelles la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’accepte d’atteinte que lorsque celles-ci sont motivées par la défense de l’ordre public, de la santé publique et de la morale publique.
Laissez un commentaire