Un abertzalisme qui a perdu le nord…

Un abertzalisme qui a perdu le nord…

Quelque temps après que l’organisation clandestine Iparretarrak eut déclaré une « trêve » – la fin de la violence politique ne sera jamais en revanche formellement annoncée – pour abonder dans le sens du processus de paix dit de ‘Lizarra-Garazi’ signé en août 1998 entre ETA et les deux camps politiques représentant le nationalisme basque, quelqu’un qu’on ne pouvait guère soupçonner d’accointances avec l’abertzalisme m’avait dit tout de go : « IK (Iparretarrak) a été un rempart contre la volonté de ETA de placer le mouvement abertzale du Pays Basque français (sic !) – sous sa coupe »… Pour aussi abrupt que puisse apparaître le propos, je n’ai aucune hésitation à dire que j’étais d’accord avec son analyse et les évolutions politiques de ces dernières décennies en Pays Basque nord n’ont fait que démontrer la réalité de cette assertion.

Dans une contribution précédente, j’avais décrit comment ETA, dès les premières années de sa création, avait prévu et planifié de « mettre le grappin » sur la revendication abertzale en gestation au Pays Basque nord, en contrôlant dès son apparition le mouvement Enbata. Ce qui allait d’ailleurs provoquer très vite des tensions et dissensions au sein des dirigeants de cette première organisation publique abertzale dans les trois provinces septentrionales. Dans le droit fil de sa tactique des « deux fers au feu », ETA allait également susciter l’émergence de la gauche abertzale en Pays Basque nord, avec l’épisode de l’Aberri Eguna (Jour de la Patrie Basque) quelque peu agité d’avril 1972 à Mauléon-Licharre. Néanmoins, les connaisseurs de la question nationale basque savent que le but de ETA n’était aucunement de « porter le fer » dans la partie nord du Pays Basque sous tutelle française, en se confrontant avec Paris… mais bien au contraire de « faire le gendarme » afin qu’un mouvement abertzale émergeant en Pays Basque nord ne vienne contrecarrer sa stratégie politique dans laquelle la partie nord devait rester une sorte de base arrière logistique, un sanctuaire protégé par une frontière pourtant officiellement honnie. Dans ce jeu de dupe, cette tromperie originelle, ETA a longtemps bénéficié d’une certaine complaisance de la part des autorités françaises, intéressées elles à ce que cela « ne bouge pas trop » dans la partie du Pays Basque sous leur domination et que le statut-quo politique, avec des notables à leur botte, y continue d’y régner. Cette sorte de « gentlemen-agreement » avait pris fin lorsque deux gouvernements soi-disant socialistes furent en place à Paris et à Madrid… et aussi par le fait de l’action criminelle des GAL (Groupes Anti-terroriste de Libération) manifestation d’un véritable terrorisme d’État que le gouvernement espagnol de Felipe Gonzalez avait mis en place pour forcer Paris à agir contre ETA en sa « retaguardia » du Pays Basque nord.

Il ne fait pas de doute que la décision d’Iparretarrak – à l’origine « branche nord » de ETA – de « s’émanciper » de la tutelle du « grand frère », puis de développer une stratégie politique autonome adaptée aux réalités socio-politiques du Pays Basque nord a très sérieusement contrecarré les velléités de contrôle de ETA sur le mouvement abertzale au nord. Au point que durant trois décennies le « grand frère » n’a eu de cesse de mettre des bâtons dans les roues (c’est un euphémisme !), non seulement à l’action clandestine d’IK mais aussi plus largement à des expressions et activités politiques sur lesquelles il n’avait pas prise, ou du moins pas assez à son goût. Un véritable travail de sape, une division sciemment entretenue entre abertzale du Pays Basque nord, des agissements sournois qui montraient que dès l’origine ETA était une organisation à caractère totalitaire, même si je n’ai aucun problème à reconnaitre que nombre de ses militants ont été des gens sincères et pas toujours en phase, loin s’en faut, avec les directives de l’état-major. Il n’empêche que les directions successives de ETA ont toujours tenu fermement les rênes de l’appareil et toute voix dissonante a été écartée… dans le meilleur des cas !

Il ne fait pas davantage de doute que le terme mis par IK à son action politique a « ouvert un boulevard » à ETA et à ses séides nordistes pour reprendre la main sur le monde abertzale en Pays Basque nord. La tache leur a été, il est vrai, grandement facilitée par le délitement très rapide des structures politiques plus ou moins organisée, depuis le mouvement EMA jusqu’à la coalition électorale puis structure politique Abertzaleen Batasuna pour aboutir à cette espèce de coquille vide à vocation régionaliste qu’est ce parti-étiquette à qui je ne ferai pas même pas la grâce d’une citation. Toutefois, dans cette entreprise de réoccupation du terrain et d’emprise sur le monde abertzale et sa périphérie, ETA et ses « bons petits soldats » ne se sont pas focalisés sur le seul terrain politique au sens strict. Ils ont fait en sorte d’occuper, plus ou moins directement, tous les secteurs où ils pouvaient prendre l’ascendant sur des parties de la population du Pays Basque nord sensibles à différentes problématiques : la jeunesse ou du moins une partie de celle-ci, les partisans des moyens d’actions dit ‘non-violents’, les laudateurs de l’altermondialisme,  les personnes préoccupées par les questions environnementales… Ainsi, même s’il est exagéré d’affirmer que dans le monde abertzale de gauche ou sa périphérie, « tout est ETA », comme ont pu le faire les gouvernants espagnols, il n’en est pas moins évident que ETA et ses satellites ont manoeuvré, par les méthodes d’entrisme et de manipulations des consciences malléables, parce que non formées politiquement, pour emmener une bonne part du monde abertzale actuel du Pays Basque nord à cette espèce de salmigondis insipide qui n’a de politique que l’apparence.

 

Un gourou… des gourés !

Au chapitre des manifestations les plus récentes de cet activisme du monde ETA – qui continue bien évidemment à exister, même si ce n’est plus par le bais de l’action violente, et il n’y a que des crédules invétérés à croire que l’organisation a cessé d’exister ! -, il y a eu cette mystification à grande échelle du « désarmement », en corrélation avec un soi-disant « processus de paix », et tout dernièrement la très mauvaise commedia dell’arte des élections municipales dans certaines localités, avec son prolongement tout aussi affligeant dans le soutien apporté à Jean-René Etchegaray pour la présidence de la Communauté d’Agglomération Pays Basque. Je ne vais pas en « remettre une couche » sur la duperie à grande échelle du « désarmement » volontaire de ETA, si ce n’est de rappeler que des élus de partis politiques français en Pays Basque ont apporté leur aval à une opération de manipulation ayant eu pour but de dissimuler la défaite politique de ETA et de lui permettre de « sortir par le haut ». Certains l’ont sans doute fait par réelle crédulité et méconnaissance de ce monde totalitaire, d’autres de manière plus consciente de la réalité des choses, mais essentiellement pour se débarrasser de l’épine sur le pied qu’était pour eux  la question de la « violence politique en Pays Basque », sans oublier celles et ceux qui espéraient en tirer un bénéfice politique pour la suite de leur carrière d’élus. Quoiqu’il en soit, tous porteront la responsabilité historique d’avoir cautionné une véritable imposture qui a constitué à « servir la soupe » à cette organisation que naguère ils fustigeaient comme « terroriste ».

Je ne m’étendrais pas davantage sur le calamiteux épisode des élections municipales dans lequel le ‘parti-étiquette’, passé totalement sous le contrôle de sa faction prenant les ordres en Pays Basque sud, a montré toute l’étendue (actuelle… ils feront sans doute mieux à l’avenir !) de sa déliquescence en une faction régionaliste servant tout juste d’appoint aux forces politiques succursalistes françaises. Pour récompense de leur renoncement à être réellement des abertzale et à agir en conséquence, il leur a été octroyé quelques hochets en forme de strapontins au sein des instances dirigeantes de la Communauté d’Agglomération Pays Basque où, malgré quelques gesticulations d’affichage, ils appliqueront sans états d’âme et en conscience la politique de la majorité libéralo-centriste. Mais cette situation de caution pseudo-abertzale convient tout à fait à ceux qui se contentent de l’illusion d’exister… Que peuvent-il faire d’autre en fait, avec zéro travail de terrain – sauf rares exceptions isolées -, zéro réflexion politique, zéro organisation réellement fonctionnelle et zéro projet politique ?

Derrière toutes ces manoeuvres visant à réduire l’expression abertzale publique en Pays Basque nord à un ersatz de mouvement politique qui sera totalement assujetti aux desseins et aux intérêts stratégiques du « grand frère » du sud et, de ce fait, dans l’incapacité de raisonner et d’agir politiquement de manière autonome, il y a l’habituel gourou que je n’ai nullement le besoin de nommer. Depuis les années 1980, il a constamment travaillé à faire fructifier les intérêts de ses mentors sudistes et si d’aucuns ont pu s’étonner qu’il passe – ou plutôt donne l’impression de passer – d’un activisme aux relents gauchistes à des positions de gentil adepte de la non-violence et de l’altermondialisme, ce serait une erreur de croire qu’il s’agit d’un parcours erratique… Chez lui, comme chez tous les maitres en manipulation, tout est parfaitement calculé et en phase avec des réalités sociales et sociétales changeantes. Mes propos peuvent paraître quelque peu abscons, mais ceux qui savent analyser des événements et des évolutions socio-politiques conviendront que le dit gourou n’a pas changé ni de maitre à penser, ni d’objectifs à atteindre selon leurs directives. Doté d’une intelligence indéniable et d’une faculté innée à manipuler les esprits, il compte dans son tableau de chasse des personnalités politiques de premier plan en Pays Basque nord, qui ont pour lui les « yeux de Chimène ». Cette réalité est invisible à ceux qui ne connaissent pas – ou peu – les techniques de manipulation des esprits, fussent-ils, en apparence, les plus éclairés et politiquement expérimentés. On a bien affaire à un gourou et ce n’est pas sur une réaction de lucidité des adeptes qu’il faut compter, mais sur un combat d’explication, d’éclaircissement, d’éclairage des consciences, un combat à mener pied à pied pour déjouer les manœuvres du manipulateur et de ses disciples auprès de l’immense majorité de la population non atteinte, fort heureusement, par ses mystifications.

 

« Nation » vs « uniformisation »

Une immense majorité oui, car ce n’est pas faire injure à la vérité que de reconnaitre que le monde abertzale est largement minoritaire en Pays Basque nord. Même si quelques résultats électoraux, qu’il faudrait d’ailleurs analyser au cas par cas et selon les différents types de scrutins, peuvent donner le change, la réalité est têtue : l’abertzalisme, toutes tendances prises en compte, n’est pas perçue par la majorité de la population comme un choix politique en capacité de diriger le Pays Basque nord. Outre la relative jeunesse de cette expression politique – à peine un peu plus d’un demi-siècle -, il faut y voir certainement la conséquence de la « pollution » générée par le conflit politique en Pays Basque sur le mouvement abertzale au nord. Donc, de l’influence néfaste, là encore, de ETA sur le développement du sentiment abertzale et de sa diffusion en Pays Basque septentrional. Que l’affrontement entre l’État espagnol et les aspirations souverainistes en Pays Basque sud – mais là aussi, il faudrait, pour être très précis, affiner selon les provinces – ait eu une répercussion en Pays Basque nord n’est pas en soi un problème. Ce qui l’est, en revanche, c’est que l’abertzalisme au nord puisse se concevoir comme un ‘copié-collé’ de celui ayant prospéré au sud. Et c’est là, à mon sens, qu’il y a maldonne, dans la perception qu’ont beaucoup de personnes ayant la conscience abertzale que le Pays Basque nord doit nécessairement évoluer politiquement en résonance avec la situation politique au sud de la Bidasoa. C’est évidemment une erreur et de toute façon la réalité socio-politique le montre clairement.

Je n’aurai sans doute jamais voulu avoir à faire cet aveu… Mais je dois reconnaître qu’il est heureux qu’aujourd’hui ce monde abertzale « régionalisé », dépourvu de réelle culture politique, en panne totale de réflexion, sans le moindre début de prémisse de commencement de projet politique émancipateur, bref ce microcosme qui est, à la fois, à la main de la sphère ETA ou de ses héritiers et à la remorque des succursalistes politiques français… soit une minorité, électoralement et socialement parlant. Du monde abertzale « de gauche » actuel, prétendument organisé dans ou à la marge du parti-étiquette, de cette partie de la jeunesse basque au nord qui se pense abertzale mais n’a même pas, sauf cas isolés, l’embryon d’une culture politique… il n’y a véritablement rien à attendre ! Ce serait continuer à se bercer d’illusions, à attendre on se sait quel miracle, alors que la situation en Pays Basque nord, en bien des domaines cruciaux (substitution de population, frénésie immobilière galopante, spéculation foncière qui s’étend territorialement, déséquilibres démographiques et économiques, recul incessant de la pratique parlée de la langue basque…), demande des réponses chaque jour plus urgentes. Le constat est simple : il est d’une impérieuse nécessité de repartir sur de nouvelles bases, de reconstruire sur ce qui est devenu un champ de ruines, d’aller à la conquête des consciences, à commencer par celle d’une jeunesse presque totalement dépolitisée. Mais cette dépolitisation peut justement être une chance pour remettre en marche un mouvement abertzale de gauche porteur d’un projet émancipateur crédible pour le Pays Basque nord.

En réaction à l’état de délabrement de la gauche abertzale, aussi bien au sud qu’au nord, on perçoit de plus en plus nettement l’émergence d’initiatives, de prises de position voire l’accomplissement d’actions politiques. Il est notable que toutes ces expressions d’un ras-le-bol, d’une volonté de secouer la sclérose actuelle et de faire bouger les choses, se positionnement sur le créneau de relancer un mouvement abertzale à vision « nationale », c’est-à-dire considérant l’ensemble du Pays Basque, nord et sud. Si je peux adhérer à la plupart des analyses qui accompagnent ce frémissement, je n’hésiterai pas à dire sans ambages que j’ai du mal à concevoir un « projet national », si cela s’entend comme une stratégie politique uniforme sur l’ensemble du Pays Basque, et prétendant ignorer donc toute l’hétérogénéité socio-politique que les évolutions historiques différentes ont généré dans les territoires administratifs actuels de la Communauté Autonome Basque, de la Communauté Forale de Navarre et de la Communauté d’Agglomération Pays Basque. Pour moi, « nation » ne doit pas se concevoir en synonyme d' »uniformisation », car si cela était ainsi, on en serait venu à vouloir remplacer un jacobinisme français par une hégémonie du Pays Basque sud à l’endroit du Pays Basque nord.   

 

L’autodétermination pour boussole 

Aussi, l’exigence première, celle dépassant toutes les disparités institutionnelles que connait aujourd’hui le Pays Basque, considéré en son ensemble, c’est la reconnaissance du droit à l’autodétermination. Bien entendu, ce droit ne se segmente pas par territoires, par statut institutionnel. Il est UN pour l’ensemble du Pays Basque, mais son application, en revanche, doit bien évidemment tenir compte des disparités de consciences politiques dans chacun des territoires basques actuels. Il faut aussi considérer la réalité d’un Pays Basque partagé entre deux États-nations, ce qui suppose que le droit à l’autodétermination devrait pouvoir un jour être reconnu par Paris et par Madrid. Déjà qu’en l’état actuel des réalités politiques, on peut avoir du mal à concevoir que cela soit ne serait-ce qu’envisageable d’un coté comme de l’autre, autant dire que la reconnaissance du droit à l’autodétermination du Pays Basque par la France et l’Espagne de manière concomitante relève de l’illusoire. Cela veut dire qu’un mouvement abertzale existant réellement par son travail et sa structuration, portant un projet politique crédible mais ne renonçant en rien à ses fondamentaux, en capacité de mettre en place un rapport de force avec la puissance tutélaire sera amené à revendiquer sans relâche la reconnaissance du droit à l’autodétermination par chacun des deux États-nations concernés. Les situations politiques étant de fait bien différentes côté nord et côté sud, les agendas seront nécessairement différents.

Et lorsque l’on parle de l’autodétermination, il faut dire et répéter qu’il s’agit d’un DROIT reconnu par la législation internationale et qu’à ce titre il est permanent, imprescriptible, inaliénable, non négociable… et qu’il ne saurait dès lors, et en aucune façon, être soumis à quelque mode de scrutin que ce soit ! Par conséquent, parler de « référendum d’autodétermination » comme le font régulièrement les médias d’information – y compris les plus « sérieux » – et des mouvements ou partis politiques que je qualifie pour ma part de « régionalistes », relève de la plus parfaite ineptie. Dans le cadre de de l’application du droit à l’autodétermination, on pourrait peut-être concevoir que soient organisé des référendum sur l’autonomie ou l’indépendance, mais en aucune façon on ne peut appeler cela un « référendum d’autodétermination » !… Cette précision est d’actualité avec le prochain référendum prévu, le 4 octobre prochain, en Kanaky (que l’État colonial français a baptisé ‘Nouvelle-Calédonie) et celui que la majorité indépendantiste en Écosse entend obtenir de la part de Londres. Dans les deux cas, la question de l’accession à l’indépendance sera posée, mais cela ne peut certainement pas être qualifié d’exercice du droit à l’autodétermination… car, dans un cas comme dans l’autre, ce droit n’est pas formellement reconnue au regard de la législation internationale. Un droit à l’autodétermination reconnu, et donc gravé dans le marbre, s’exerce quand l’entité qui en est dotée le décide et ce autant de fois qu’elle le souhaite. De fait, l’exercice du droit à l’autodétermination peut aboutir à la décision exprimée par la majorité du corps électoral de rester dans un cadre pluri-national ou au sein d’une puissance tutélaire. L’autodétermination, ce n’est pas de facto l’indépendance. Il y a là un malentendu largement répandu… 

 

L’autodétermination, je me répète, est un DROIT et le référendum, lui, est un OUTIL utilisable dans le cadre de l’application du droit en question. Néanmoins, j’ai pour ma part plus que des réserves sur l’emploi du moyen d’expression référendaire, car il est à la fois tout ce qu’il y a de plus facile à manipuler, excessivement simplificateur, et par trop sensible aux émotions du moment. Sur des questions fondamentales de société – par exemple le droit des femmes à disposer de leur corps ou bien encore le maintien ou l’abolition de la peine de mort -, il est bien évident dans mon esprit qu’en aucune façon on ne doit recourir à l’emploi du référendum ! Dans une démocratie de représentation, qu’il faut certes concourir à améliorer sensiblement dans son fonctionnement, c’est à ceux qui sont élus par leurs pairs qu’il appartient de prendre leurs responsabilités sur des sujets majeurs de société. Ou alors, on considère que tout, absolument tout, doit être décidé par une forme de « démocratie plébiscitaire’… qui dans la réalité serait l’exact contraire de la démocratie ! J’irai même plus loin, en considérant que le recours au référendum est au moins tout aussi discutable sur des questions institutionnelles. Car enfin, les États-nations y ont-ils jamais eu recours pour se constituer, pour s’accaparer de territoires ? Où alors, s’il l’on fait, c’est en truquant les modalités du scrutin, comme le fit par exemple le Second Empire français en 1860 pour annexer – et non pas « rattacher » ou « réunir » ! – la Savoie et le Comté de Nice. 

Le Pays Basque nord, au rythme que nécessiteront ses réalités socio-politiques et l’efficience d’un mouvement abertzale à  convaincre une majorité des habitants à aller dans cette direction, devra parvenir à faire reconnaitre, par l’État français, son droit à l’autodétermination. Dis comme ça, cela peut sembler invraisemblable, illusoire, totalement chimérique ou rocambolesque voire ridicule, au choix… mais cela l’est-il vraiment plus que de revendiquer tout de go l’indépendance, de proclamer ce mot d’ordre en manifestant à quelques centaines dans les rues de Bayonne ou autres localités du Pays Basque nord ? Je ne le crois pas… D’autant plus que la reconnaissance de ce droit devrait être partie intégrante du projet politique visant à doter nos trois provinces septentrionales d’une autonomie réelle, s’inscrivant dans le cadre d’une Europe unie constituée sur une modèle fédéral abouti. C’est la voie pour sortir de l’équation « pays sous  tutelle/puissance tutélaire », de ce tête-à-tête sans perspectives avec l’État français, configuration qui sera toujours à son avantage. La meilleure stratégie, celle qui aurait la plus grande efficience, la plus grande chance de prospérer, ce serait sans conteste que des mouvements d’émancipation de pays dominés, pas seulement dans le cadre de l’État français, mais bien à l’échelle européenne, unissent leurs forces et fassent chorus pour revendiquer un destin commun, une nouvelle configuration institutionnelle européenne. Pour que cela devienne un jour réalité, il faudra se convaincre – et convaincre les autres – de la nécessité d’orienter la boussole vers le cap de l’autodétermination…

 

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