LE CONSEIL DE L’EUROPE ET L’AUTONOMIE

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Le processus d’union de l’Europe apparaît à beaucoup d’entre nous comme une construction technocratique et bureaucratique, éloignée des réalités du terrain, imposant des orientations et des décisions sans réelle concertation, servant avant tout les intérêts des marchants, des financiers et des gouvernants.

On ne saurait démentir la réalité effective de ces perceptions et, pour ce qui est de l’Union européenne dans sa configuration actuelle, le monde abertzale – et pas seulement celui estampillé de gauche – a quelque difficulté à voir en quoi l’Europe unie peut constituer une avancée pour les nations niées dans leurs droits fondamentaux.

Et pourtant, une structure comme l’ Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe – rappelons que cette institution regroupe actuellement 47 états européens – adopte régulièrement des résolutions qui ne sont pas fait pour plaire à l’esprit du jacobinisme qui, quoiqu’on en dise, sévit toujours du côté de Paris. C’est le cas, par exemple, du texte suivant qui présente l’autonomie comme un moyen de concourir à la résolution des conflits politiques. Une préconisation qui pourrait s’appliquer à la situation en Pays Basque nord…

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Expériences positives des régions autonomes comme source d’inspiration dans la résolution de conflits en Europe

1. L’Assemblée parlementaire reste préoccupée par la résurgence de tensions plus ou moins violentes en Europe, qui sont souvent l’expression d’antagonismes non résolus au sein d’un Etat. Aujourd’hui, en effet, la plupart des crises politiques en Europe se produisent à l’intérieur des Etats.

2. Ce regain de tensions s’explique en partie par les modifications territoriales et par l’émergence de nouveaux Etats, à la suite des deux guerres mondiales et de l’effondrement de l’ancien système communiste, dans les années 1990.

3. Ces tensions reflètent également la nécessaire adaptation du concept d’Etat-nation, qui considérait la souveraineté nationale et l’homogénéité culturelle comme primordiales. Aujourd’hui, du fait notamment de l’évolution de la pratique de la démocratie et du droit international, les Etats sont confrontés à des exigences nouvelles.

4. La plupart des conflits actuels résultent bien souvent de la dichotomie entre le principe d’indivisibilité de l’Etat et celui d’identité; ils ont pour origine des tensions opposant les Etats à des groupes minoritaires qui revendiquent leurs droits de préserver leur identité.

5. La grande majorité des Etats en Europe comprennent aujourd’hui plusieurs communautés possédant des identités différentes. Certaines d’entre elles revendiquent le droit de disposer d’institutions et d’une égislation propres, permettant l’expression de ces particularismes culturels.

6. Chaque Etat doit prévoir, afin de prévenir l’apparition de tensions, des dispositions constitutionnelles ou législatives souples, permettantde répondre aux attentes de ces populations. En attribuant des pouvoirs spécifiques à ces minorités, sous forme de transfert de pouvoirs ou de répartition de compétences, un Etat est parfois en mesure de concilier les principes d’unité et d’intégrité territoriales avec celui de diversité culturelle.

7. Le Conseil de l’Europe, qui s’engage en faveur de la paix et pour la prévention de la violence, éléments essentiels dans la promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, considère que l’expérience positive des régions autonomes peut constituer une source d’inspiration en vue de proposer des solutions visant la résolution de conflits politiques internes.

8. De nombreux Etats en Europe sont parvenus à apaiser des tensions internes, ou sont en phase de le faire, en créant des autonomies territoriales ou culturelles; ces dernières offrant une panoplie de principes et de mesures concrètes afin de résoudre ces conflits internes.

9. Indéniablement, le concept d’autonomie recèle une connotation négative. L’autonomie pourrait être perçue comme une menace contre l’intégrité territoriale de l’Etat et comme un premier pas vers la sécession, mais, très souvent, il n’y a que peu d’éléments venant étayer ce point de vue.

10. L’autonomie, telle qu’elle est appliquée dans les Etats de droit garantissant les libertés et les droits fondamentaux à ses citoyens, doit plutôt être considérée comme un «arrangement subétatique», permettant à un groupe minoritaire dans un Etat de jouir de ses droits et de préserver son identité culturelle, tout en offrant à l’Etat des garanties en matière d’unité, de souveraineté et d’intégrité territoriale.

11. Le terme «autonomie territoriale» fait référence à un dispositif généralement mis en place dans un Etat souverain, par lequel les habitants d’une région déterminée bénéficient de pouvoirs élargis, adaptés à leur situation géographique particulière, qui protègent et promeuvent leurs traditions culturelles ou religieuses spécifiques. L’expression «autonomie culturelle» signifie qu’on accorde la possibilité d’exercer des droits linguistiques et culturels. Elle devrait, dans la plupart des cas, être accompagnée par la mise en place du principe de décentralisation.

12. Dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe, les Constitutions récusent le droit à toute sécession unilatérale. Toutefois, le principe de l’indivisibilité de l’Etat ne doit pas être confondu avec son caractère unitaire et il est par conséquent compatible avec l’autonomie, le régionalisme et le fédéralisme.

13. Le statut d’autonomie peut s’appliquer à différents systèmes d’organisation politique. Il peut s’agir d’une forme de décentralisation dans les Etats unitaires ou d’une réelle répartition des pouvoirs dans les Etats régionaux ou fédéraux, selon une répartition symétrique ou asymétrique.

14. L’établissement des autonomies a connu deux phases historiques, correspondant à trois sources d’autonomie: celle qui a été établie par des entités régionales lors de la création de l’Etat central; celle qui a été mise en place en vue de mettre fin à des tensions territoriales; et celle qui a été créée sous le parrainage de la communauté internationale.

15. L’autonomie n’est pas une panacée, les solutions qu’elle offre ne sont pas universellement pertinentes et applicables. Cependant, tout échec des autonomies ne doit pas être attribué au système autonome en tant que tel, mais relève plutôt des conditions de son application. Tout statut d’autonomie doit s’adapter aux spécificités géographiques, historiques et culturelles du territoire concerné ainsi qu’aux caractéristiques très différentes des cas et des zones de conflits.

16. Afin d’apaiser les tensions internes, le pouvoir central doit faire preuve de compréhension lorsque des groupes minoritaires, notamment lorsqu’ils sont numériquement importants et établis de longue date dans une région, ont des revendications précises concernant leurs droits relatifs à une plus grande autonomie dans la gestion des affaires. En aucun cas, toutefois, la mise en place d’une autonomie ne doit donner l’impression aux citoyens que l’administration locale est l’affaire exclusive de cette minorité.

17. Un statut d’autonomie réussi suppose le développement de relations équilibrées dans un Etat entre la majorité et la minorité, mais également entre les minorités elles-mêmes. Tout statut d’autonomie doit ainsi respecter les principes d’égalité et de non-discrimination, et se fonder sur l’intégrité territoriale et la souveraineté des Etats.

18. Il est très important que les avantages croissants que les entités autonomes tirent de leurs droits ne mettent pas en cause les frontières d’Etats internationalement reconnues.

19. Toute interprétation, toute application et toute gestion de l’autonomie sont soumises à l’autorité de l’Etat, à la détermination et à la motivation précise du législateur national ainsi qu’à ses institutions.

20. Bien souvent, le principe de discrimination positive, dans le sens d’une représentation favorable des minorités dans les organes du pouvoir central, constitue un moyen d’associer plus largement la ou les minorités à la gestion des affaires nationales.

21. Il est primordial que des mesures de protection spécifiques soient prises à l’égard de «la minorité dans la minorité», afin que les membres de la composante majoritaire de l’Etat ou d’autres minorités ne se sentent pas menacés par les pouvoirs conférés à l’entité autonome. Dans ces entités autonomes, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE nº 157) doit également s’appliquer, au bénéfice des minorités dans la minorité.

22. L’Assemblée invite les gouvernements des Etats membres à s’inspirer des paramètres fondamentaux suivants lorsqu’ils mettent en place un statut d’autonomie :

I. requérant par sa nature même une coopération et une coordination entre les autorités centrales et les autorités autonomes, un statut d’autonomie doit être le résultat d’un accord négocié entre les différentes parties;

II. les autorités centrales et les autorités autonomes doivent admettre qu’un statut d’autonomie correspond à un processus dynamique et qu’il est toujours négociable;

III. il serait souhaitable que le statut et les principes fondateurs de l’autonomie soient inscrits dans la Constitution et pas uniquement dans la loi, de sorte que des amendements ne puissent être faits que conformément à la Constitution; en vue de prévenir tout litige, le statut d’autonomie doit définir de manière explicite la répartition des pouvoirs entre les autorités centrales et les autorités autonomes;

IV. l’accord d’autonomie doit garantir une représentation appropriée et une participation effective des autorités autonomes dans le processus de décision et dans la gestion des affaires publiques;

V. le statut d’autonomie doit prévoir que la région autonome dispose d’un organe législatif et d’un organe exécutif élus démocratiquement au niveau local;

VI. le statut d’autonomie doit prévoir des ressources propres et/ou des transferts permettant aux autorités autonomes de mettre en œuvre les compétences additionnelles octroyées par les autorités centrales;

VII. afin de prévenir toute usurpation des pouvoirs, un mécanisme de règlement des litiges doit être établi en vue de résoudre tout différend entre les autorités centrales et les autorités autonomes;

VIII. si des tensions demeurent entre les autorités centrales et les autorités autonomes, il est préférable que la communauté internationale parraine le processus de négociation;

IX. la dévolution de pouvoirs à des entités autonomes doit impérativement protéger les droits des minorités vivant au sein de celles-ci.

Discussion par l’Assemblée du Conseil de l’Europe, le 24 juin 2003 – 19e séance (voir Doc. 9824, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Gross; et Doc. 9837, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Jurgens).

Source : http://assembly.coe.int/DefaultF.asp

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