LES ILES ALAND – AHVENANMAA

Les Îles Åland – Ahvenanmaa

1970173899Le 26 avril de cette année avait eu lieu à Bayonne, à l’initiative de Batasuna, une conférence sur le territoire d’Aland et son statut d’autonomie dans l’ensemble finlandais. La députée au Parle- ment de la Finlande, Elisabeth Naucler, avait fait découvrir à l’auditoire un statut particulier et intéressant. L’article que nous reproduisons ci-après détaille certains des aspects les plus importants de cette configuration institutionnelle. L’autonomie des Iles Åland comporte ainsi un dispositif tout à fait particulier que l’on peut qualifier de politique d’unilinguisme car il consacre la primauté de la langue suédoise parlée par l´écrasante majorité des habitants de l’archipel. Cet aspect est développé dans le site en langue française dont nous vous donnons la référence en citation des sources.

Les conditions permettant une telle politique sont certes très particulières mais le cas des Iles Åland reste exemplaire des possibilités que peut atteindre une autonomie institutionnelle. Si on peut considérer comme peu réaliste aujourd’hui une politique d’uniliguisme en faveur de l’euskara en Pays Basque nord – voire sur l’ensemble de Euskal Herria – il y en tout cas sujet à réflexion sur les moyens qu’il faudra obligatoirement mettre en œuvre pour que la langue originelle de notre pays retrouve non seulement droit de cité mais occupe aussi réellement toute la place qu’il lui revient.

L’archipel d’Åland – Ahvenanmaa en langue autochtone –, situé entre la Suède et la Finlande, à l’entrée du golfe de Botnie, compte 6.500 îles, pour une superficie de 152 km2, dont quelque 80 seulement sont habités. Les habitants d’Åland n’occupent que 65 % de leur territoire; un peu plus de 40 % de la population – soit 10.000 habitants – est concentrée dans l’unique « grande » ville de l’archipel, Mariehamn / Maarianhamina, la capitale, ainsi que le centre économique et politique de la province, située dans la « terre d’Åland », la plus grande île de l’archipel, dont la surface fait plus de 70 % du total et où est domiciliée 90 % de la population. La province est divisée administrativement en 16 communes ou municipalités.

La province d’Åland ne compte que 25.000 habitants, dont 94,2 % parlent le suédois comme langue maternelle. Il n’existe qu’une petite minorité de 5,8 % (environ 1.000 personnes) parlant le finnois. Étant donné que les suédophones d’Åland disposent d’une grande autonomie politique, on peut les considérer comme formant un groupe majoritaire dans leur archipel. Par conséquent, les finnophones habitant ces îles sont considérés comme la minorité linguistique (la seule). Ajoutons aussi que, contrairement aux suédophones du reste de la Finlande, qui s’expriment en Finlandssvenska ou « suédois de Finlande », ceux d’Åland parlent le Rikssvenska ou « suédois de Suède ». A l’échelle de l’État finlandais, les quelque 25 000 Ålandais ne représentent qu’une infirme minorité, constituant 0,5 % de la population totale.

D’une revendication soutenue par la communauté internationale…

Après la révolution russe de 1917, la Finlande retrouva sa souveraineté et, le 6 décembre, proclama son indépendance. L’année suivante, l’archipel d’Åland se trouva confronté à la guerre civile qui sévissait en Finlande. En plus des forces finlandaises, des troupes suédoises et allemandes intervinrent dans les îles. Les représentants des municipalités ålandaises commencèrent à oeuvrer pour le rattachement à leur ancienne partie, la Suède. Ils firent connaître leur demande, fortement appuyée par une pétition signée par la majorité de la population insulaire, au roi de Suède. La Finlande se montra peu réceptive aux revendications des Ålandais, mais elle tenta de les satisfaire en adoptant, en 1920, une loi qui leur accordait une certaine autonomie politique dans les affaires intérieures.

La question ålandaise impliquant plusieurs pays, la Finlande dut, sur proposition de la Grande-Bretagne, faire appel à la Société des Nations, récemment créée (1919). En juin 1921, le Conseil de la Société des Nations décida que la souveraineté sur l’archipel d’Åland revenait à la Finlande. L’État finlandais devait toutefois s’engager à respecter et à garantir aux Ålandais l’usage de leur langue suédoise, de leur culture et de leurs coutumes locales.

Les principales garanties impliquant 10 pays (Allemagne, Danemark, Empire britannique, Estonie, Finlande, France, Italie, Lettonie, Pologne, Suède – sans la Russie) étaient les suivantes:

– La langue de l’enseignement dans les écoles aux îles d’Åland devait rester le suédois.

– Le droit de propriété de biens fonciers devait être réservé aux seuls habitants des îles d’Åland. Cependant, cette disposition a pris effet en 1975 dans une nouvelle législation remplaçant une loi devenue caduque. Cette nouvelle loi stipule que toute personne ne jouissant pas du droit de domicile aux îles d’Åland, et toute société ou organisation, y compris celles domiciliées aux îles d’Åland, doivent solliciter auprès du gouvernement de la province une licence pour l’acquisition de biens fonciers dans cette province.

– Le droit de vote aux élections locales et aux élections au Parlement des îles d’Åland devait être réservé à la population résidente. Toute personne jouissant du droit de domicile susmentionné est autorisée à voter lors de ces élections. Le droit de domicile est accordé à tout enfant dont le père ou la mère possède le droit de domicile aux îles d’Åland. Les citoyens finlandais qui s’installent aux îles d’Åland se voient accorder le droit de domicile sur demande, à condition d’avoir eu leur résidence principale et habituelle dans la province au moins pendant cinq ans sans interruption et qu’ils possèdent une connaissance satisfaisante de la langue suédoise.

– Seule une personne qui a été acceptée par les habitants des îles d’Åland peut être nommée au poste de gouverneur de la province, c’est-à-dire le plus haut représentant de la république de Finlande dans l’archipel. Avant de nommer un gouverneur dans la province, le président de la Finlande doit consulter le président du parlement d’Åland, qui soumet des propositions de candidats valables après discussion avec les membres du parlement d’Åland.

– L’archipel obtint enfin le statut de zone démilitarisée et neutre (cf. la Convention relative à la non-fortification et à la neutralisation des îles d’Åland du 20 octobre 1921).

En août 1922, la Finlande adoptait la Loi de garantie, qui confirmait l’autonomie culturelle, linguistique et politique des îles d’Åland en reprenant les termes de l’accord conclu avec la Société des Nations. Mais cette première loi d’autonomie se révéla peu applicable. Elle fut révisée lors de la Loi sur l’autonomie d’Åland (loi nº 670) adoptée le 12 octobre 1951.

Cette nouvelle loi vint préciser les champs de juridiction du parlement régional, c’est-à-dire de l’Assemblée départementale (Lagting) par rapport à l’Assemblée nationale d’Helsinki. Certains articles de la loi accordaient à la Délégation d’Åland (sorte de comité des sages et de commission d’arbitrage) un droit de veto tel qu’ils mettaient les Ålandais à l’abri de toute mesure que ceux-ci n’approuveraient pas eux-mêmes: cette disposition rendait effective la souveraineté exceptionnelle dont jouit depuis lors l’archipel d’Åland.

Par la suite, les Ålandais acquirent le droit d’arborer leur propre drapeau (1954), de déléguer leurs représentants au Conseil nordique (1970) tout en élisant leur unique député au Parlement d’Helsinki et d’émettre leurs timbres (1984).

En 1990, la Finlande et l’archipel d’Åland entérinèrent une nouvelle loi sur l’autonomie. Aujourd’hui, la province d’Åland reste un territoire démilitarisé membre de l’Union Européenne et qui a conservé sa propre représentation au Conseil nordique. La province d’Åland, à l’instar de Porto Rico vis-à-vis des Etats-Unis, bénéficie d’un statut très privilégié, celui d’un « État libre associé » à la Finlande.

… à une autonomie aux aspects exceptionnels

Grâce à leur grande autonomie politique, les Ålandais ont le droit de légiférer dans les domaines reliés à leurs affaires internes, et de voter leur propre budget. L’assemblée législative ou parlement d’Åland (Lagting) nomme le gouvernement d’Åland (Landskapsstyrelse). Les dispositions sur l’autonomie d’Åland sont contenues dans la Loi sur l’autonomie d’Åland de 1990, et peuvent être éventuellement modifiées par le Parlement finlandais, mais uniquement avec l’accord du Lagting ålandais. La présente Loi sur l’autonomie d’Åland est entrée en vigueur le 1er janvier 1993.

Le principe fondamental de cette loi consiste à donner aux habitants de ces îles la plus grande liberté possible pour gérer leurs affaires internes en tenant compte de « la sécurité interne et externe du pays », pour reprendre les termes de la loi. La loi sur l’autonomie de 1990 accorde un élargissement des compétences de la province dans le domaine de la législature, de l’administration et de l’économie avec une diminution de la supervision par l’État finlandais de l’exercice de l’autonomie. La responsabilité législative et administrative est transférée à la province dans des domaines d’une importance particulière quant à son autonomie et aux champs de compétence exigeant une réglementation conforme aux intérêts de la province. Dans certains secteurs, le pouvoir législatif a été transféré de la province vers l’État. De plus, un nouveau système fiscal procure une plus grande liberté économique à la province.

Cette loi sur l’autonomie précise les domaines dans lesquels l’Assemblée législative des îles Åland, le Lagting, a le droit de légiférer. Parmi ces domaines, les plus importants sont les suivants:

– l’enseignement et la culture

– les services de police

– l’administration locale de district

– la santé publique et les services médicaux

– la législation sociale

– les services postaux

– le développement de l’emploi

– les communications internes

– le droit d’émission radiophonique

Dans les domaines qui sont de la compétence législative du Lagting, ce sont les lois adoptées par le Lagting qui sont d’application dans les îles d’Åland et non pas les lois correspondantes adoptées par le Parlement finlandais. Par exemple, les lois linguistiques de la Finlande, dont la l’importante Loi sur les langues, ne s’appliquent pas à Åland. Cependant, dans les domaines qui échappent à la compétence législative du Lagting, les lois de la Finlande s’appliquent tout comme dans le reste du pays. Néanmoins, bien que les affaires étrangères relèvent du gouvernement finlandais, tout traité international concernant les compétences d’Åland doit obtenir l’assentiment du Parlement ålandais pour s’appliquer dans l’archipel.

Voici les domaines qui sont sous la juridiction exclusive de la Finlande:

– la promulgation, la modification, l’interprétation ou l’abrogation d’une loi constitutionnelle ainsi que la dérogation à une loi constitutionnelle

– les services douaniers et la monnaie

– les tribunaux et le Code pénal

– la plupart des aspects du droit civil, comme le droit de la famille, le droit sur l’héritage et le droit commercial

– la législation sur les étrangers

Afin de veiller aux intérêts des Ålandais, dans ces domaines, un député siège au Parlement finlandais.

Parallèlement à l’autonomie politique, la province d’Åland conserve toute son autonomie linguistique. La seule langue officielle demeure le suédois dans cette région aux frontières linguistique

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